Qui est René Girard (1923 - 2015) ?

Chronologie


 

  • 25 décembre 1923 : Naissance de René Noël Théophile Girard à Avignon, de Joseph Girard anticlérical et radical socialiste, et de Thérèse Fabre fervente catholique.
Maison natale de René Girard chemin de l'Arrousaire à Avignon, aujourd'hui détruite. (©Famille Girard)
Maison natale de René Girard chemin de l'Arrousaire à Avignon, aujourd'hui détruite. (©Famille Girard)
  • 1940 : Son père le retire du lycée Mistral et le prépare au baccalauréat.
  • 1942 : Sous la direction de son père, René Girard réussit le concours d'entrée à l'École des Chartes. 
  • 1946 : Il prépare son mémoire de fin d'études sur La vie privée à Avignon dans la seconde moitié du XVe siècle . 
  • Septembre 1947 : Se tient au Palais des Papes une première exposition de peinture organisé par René Girard, Jacques Charpier et Yvonne Zervos sous le patronage de personnalités d'Avignon et du département du Vaucluse, notamment René Char et Joseph Girard.
  • 1947 : Il s'embarque pour les Etats-Unis et enseigne le français à Indiana University.
  • 1950 : Il obtient un doctorat d'histoire à Indiana University. Sa thèse porte le titre  American opinion of France : 1940 - 1943.
Arrivée de René Girard sur le continent américain vers 1950.    (© Famille Girard)
Arrivée de René Girard sur le continent américain vers 1950. (© Famille Girard)
  • 18 juin 1952 : Il épouse Martha MCullough selon le rite méthodiste.
  •  1952 : Il devient professeur à Duke University en Caroline du Nord.
  • 1953 : Il est nommé professeur assistant à Bryn Mawr College. un prestigieux collège réservé aux jeunes filles, en Pennsylvanie, près de Philadelphie.
  • 1955 : Naissance de Martin son premier fils.
  • 1957 : Il rejoint l’université de Johns Hopkins de Baltimore.
  • 1957 : Naissance de Daniel son deuxième fils.
  • 1959 : Après son retour à la foi de son enfance, avec son épouse, il renouvelle ses vœux de mariage dans le rite catholique et demande le baptême pour ses deux enfants.
  • janvier 1960 - septembre 1960 : Il passe neuf mois à Avignon où il termine Mensonge romantique et vérité romanesque.
  • 16 mai 1960 : Naissance à Villeneuve-lès-Avignon de sa fille Mary.
  • Octobre 1966 : Avec Richard Macksey et Eugenio Donato, il organise un colloque international sur les langages de la critique et les sciences de l'homme. Ce colloque restera à la postérité sous le nom de colloque de Baltimore. Il réunit les plus grands noms de la critique française : Roland Barthes, Jacques Derrida, Jacques Lacan, Lucien Goldmann, Jean Hyppolite, Paul de Man, Edward Said, Guy Rosolato, Nicolas Ruwet, Tzvetan Todorov et Jean-Pierre Vernant. Le structuralisme fait alors son entrée dans l'université américaine et se mue en French Theory.
  • 1968 : Il devient professeur à l’université de l’état de New York à Buffalo (SUNY Buffalo).
  • 1972 : Publication de La Violence et le Sacré.
  • 1976 : Il retourne enseigner à Johns Hopkins pour quatre ans. Il se lie d’amitié avec Michel Serres et Jean-Pierre Dupuy. Publication de Critique dans un souterrain.
  • 1978 : Publication de son ouvrage écrit en collaboration avec Michel Oughourlian et de Guy Lefort Des choses cachées depuis la fondation du monde.
  • 1981 : Il est nommé à l'université de Stanford en Californie.
  • 1982 : Publication du Bouc émissaire.
  • 1990 : Publication de Shakespeare : les feux de l'envie.
Quand Girard rencontre Shakespeare... : "Shakespeare me parle à travers les siècles".
Quand Girard rencontre Shakespeare... : "Shakespeare me parle à travers les siècles".
  • 1999 : Publication de Je vois Satan tomber comme l'éclair.
  • 1995 : Il prend sa retraite de l'université. 
  • 2004 : Publication de son livre Les origines de la Culture . Il obtient le prix Médicis.
  • 15 décembre 2005 : René Girard est reçu à l'Académie Française au fauteuil 37 succédant au Révérend Père Ambroise-Marie Carré. 
  •  2007 : Publication d'Achever Clausewitz.
  • 2008 - 2009 : Il occupe la première présidence de la chaire du Collège des Bernardins à Paris.
  • 4 novembre 2015 : Il s'éteint chez lui à Stanford en Californie, entouré de l'affection des siens. 
René Girard, académicien. (© Anne Girard)
René Girard, académicien. (© Anne Girard)

Citations


"On se comprend entre snobs au premier coup d’œil et on se hait presque aussi vite, car rien n'est pire pour le sujet désirant que de voir son imitation percée au grand jour.

Plus la distance diminue entre médiateur et le sujet, plus la différence s'amenuise, plus la connaissance se précise, plus la haine se fait intense. C'est toujours son propre désir que le sujet condamne dans l'Autre mais il ne le sait pas. Elle nourrit farouchement l'illusion d'une différence absolue entre ce Moi et cet Autre que plus rien ne sépare."

Mensonge romantique et vérité romanesque, 

in De la violence à la divinité, ed. Grasset, Paris, 2007, p.93

 

Pourquoi les hommes ne sont-ils pas heureux dans le monde moderne ? [...] Elle [la réponse de Stendhal] est non-sens pour le bon sens bourgeois ou pour "l'idéalisme" romantique. Nous ne sommes pas heureux, dit Stendhal, parce que nous sommes vaniteux.

Ibid., p.128

 

"Est noble, au yeux de Stendhal, l'être qui tient ses désirs de lui-même et s'efforce de les satisfaire avec la dernière énergie. Noblesse, au sens spirituel du terme, est donc très exactement synonyme de passion. L'être noble s'élève au-dessus des autres par la force de son désir. Il faut qu'il y ait noblesse au sens spirituel pour qu'il y ait noblesse au sens social. A un certain moment de l'histoire les deux sens du mot noble ont donc coïncidé, au moins en théorie.[...] Cet accord relatif entre l'organisation sociale et la hiérarchie naturelle des hommes ne peut pas durer. Pour qu'il commence à se défaire il suffit, en un sens, que le noble en prenne conscience. On a besoin d'une comparaison pour se découvrir supérieur aux autres hommes : qui dit comparaison dit rapprochement, mise sur le même plan et, dans une certaine mesure, identité de traitement entre les choses comparées. On ne peut pas nier l'égalité entre les hommes sans d'abord la poser, si fugitivement que ce soit. [...] Le noble qui compare est un peu plus noble, déjà, au sens social, mais il l'est un peu moins au sens spirituel."

Ibid., p.129

 

 

"Repérer la violence fondatrice c’est comprendre que le sacré unit en lui tous les contraires non parce qu’il diffère de la violence mais parce que la violence paraît différer d’elle-même : tantôt elle refait l’unanimité autour d’elle pour sauver les hommes et édifier la culture, tantôt au contraire, elle s’acharne à détruire ce qu’elle avait édifié. Les hommes n’adorent pas la violence en tant que telle : ils ne pratiquent pas le « culte de la violence » au sens de la culture contemporaine, ils adorent la violence en tant qu’elle leur confère la seule paix dont ils jouissent jamais. A travers la violence qui les terrifie c’est la non-violence que vise toujours l’adoration des fidèles. La non-violence apparaît comme un don gratuit de la violence et cette apparence n’est pas sans raison puisque les hommes ne sont jamais capables de se réconcilier qu’aux dépens d’un tiers. Ce que les hommes peuvent faire de mieux dans l’ordre de la non-violence, c’est l’unanimité moins un de la victime émissaire."

La Violence et le Sacré,

in De la violence à la divinité, ed. Grasset, Paris, 2007, p.615

 

"La violence est aujourd'hui déchaînée au niveau de la planète entière, provoquant ce que les textes apocalyptiques annonçaient : une confusion entre les désastres causés par la nature et les désastres causés par les hommes, une confusion du naturel et de l'artificiel : réchauffement global et montées des eaux ne sont plus aujourd'hui des métaphores. La violence, qui produisait du sacré, ne produit plus rien qu'elle-même."

Achever Clausewitz, ed. Carnets Nord, Paris 2007, p.11

 

"Le verrou du meurtre fondateur, levé par la Passion, libère aujourd'hui une violence planétaire, sans qu'on puisse refermer ce qui a été ouvert. Car nous savons désormais que les boucs émissaires sont innocents. La Passion a dévoilé une fois pour toutes l'origine sacrificielle de l'humanité. Elle a défait le sacré en révélant sa violence."

Ibid., p.12

 

 

"L'apocalypse n'annonce pas la fin du monde ; elle fonde une espérance. Qui voit tout à coup la réalité n'est pas dans le désespoir absolu de l'impensé moderne, mais retrouve un monde où les choses ont un sens. L'espérance n'est possible que si nous osons penser les périls de l'heure. À condition de s'opposer à la fois aux nihilistes pour qui tout n'est que langage, et aux "réalistes", qui dénient à l'intelligence la capacité de toucher la vérité : les gouvernants , les banquiers, les militaires qui prétendent nous sauver, alors qu'ils nous enfoncent chaque jours un peu plus dans la dévastation.

 

Ibid., p.16

 

"Un bouc émissaire reste efficace aussi longtemps que nous croyons à sa culpabilité. Avoir un bouc émissaire, c'est ne pas savoir qu'on l'a. Apprendre qu'on en a un, c'est le perdre à tout jamais, et s'exposer à des conflits mimétiques sans résolution possible."

Ibid., p.17

 

"Les seuls chrétiens qui parlent encore de l'apocalypse sont les fondamentalistes, mais ils s'en font une idée complètement mythologique. Ils pensent que la violence de la fin des temps viendra de Dieu lui-même ; ils ne peuvent pas se passer d'un Dieu méchant. Ils ne voient pas, chose étrange, que la violence que nous sommes en train d'amasser sur nos propres têtes a toutes les qualités requises pour déclencher le pire. Ils n'ont aucun sens de l'humour."

Ibid., p.21